Imaginons ensemble, une pièce sombre, voûtée, sans décoration, où un grand album en forme de missel relié de velours rouge, à ferrures antiques, repose, solitaire, sur un lutrin éclairé par un unique flambeau.

Rêvons ensemble, que ce grand album soit un recueil d’illustrations. Dessins de villes, d’instantanés de vie, où en regard de chaque illustration, écrit de la main des hommes, des récits vrais et moins vrais. Livre précieux, que l’on Feuillette, avec les yeux émerveillés, d’un enfant d’autrefois devant de belles images.

Au hasard, nous tournerons ses pages. Nous arrêtant seulement devant une illustration, selon ses couleurs, nos envies et au gré du vent.

Si le lecteur, bienveillant ( et nous le savons bienveillant), possède une âme quelque peu d’artiste, il comprendra. Des descentes dans le temps à un endroit, puis des remontées dans d’autres parties de ce temps, en passant par des lignes droites, sans oublier les courbes et les doubles boucles de ce même temps - Pour l’espace, pareil - Voilà ce qui attend notre bienveillant lecteur. Lequel, rien ne l’empêche de donner son très estimable avis. Nous le remercions d’avance et lui souhaitons d’agréables voyages.

jeudi 3 mai 2012

Un jardin, une fosse et un squelette

Paris, 1833

Le 26 avril de cette année-là, rue de Vaugirard, deux fiacres s’arrêtèrent devant la maison portant le numéro 81.  De la première voiture, descendit un homme maigre, aux traits fatigués, à la tenue sévère, portant une serviette de cuir noir.  Derrière lui suivaient deux personnages à la mine inquiète ; l’un, court, très gros et vêtu avec recherche, cachait derrière d’énormes lunettes vertes des yeux sans cesse en mouvement. L’autre sec et maigre, habillé en ouvrier parvenu, dégageait un air morne et montrait des yeux inertes.  Un garde municipal en petite tenue et deux policiers, costauds rébarbatifs entouraient ces deux individus.

Du second fiacre sortirent au même moment deux autres personnes, dont l’un portait une trousse de chirurgien.  L’autre n’était rien moins que le doyen de la Faculté de médecine, M. Orfila. 
Sur le trottoir, le doyen s’approcha de l’homme à la serviette noire et de bon cœur, lui serra la main.
-       Monsieur le procureur du roi, dit-il d’une voix grave, mon collègue Dumoutier et moi sommes à votre disposition. De quoi s’agit-il ? Empoisonnement ? Autopsie ?
-       Rien de tout cela, répondit, souriant, le procureur, il s’agit d’archéologie.
-       Alors, vous vous êtes trompé d’adresse, protesta l’autre avec bonne humeur, il fallait vous adresser au service des antiquités.

La réponse amusa le magistrat.

Tout en causant, le procureur et les deux savants pénétrèrent par une petite porte, basse et noire, dans le jardin de la maison.
 
C’était un grand jardin assez mal soigné, les mauvaises herbes avaient envahi les plates bandes et les allées.  Un perron aux marches humides et disjointes s’y ouvrait.  Il conduisait vers une salle à manger obscure, dont on apercevait, de l’extérieur, le dallage noir et blanc.

Dans un angle du jardin, était dressée, sous un vieil abricotier, une table de cuisine.  Quelques chaises, un grand coffre de sapin blanc, un encrier portatif, une grosse liasse de papier et quelques plumes complétaient cette installation. Il était clair que tout cela avait été préparé pour cette visite particulière.  Une descente d’un procureur du roi, de deux médecins, d’un greffier, d’un garde municipal et de ses deux acolytes, serrant étroitement deux hommes vraiment mal à l’aise.  Deux terrassiers, pioche et pelle en main, attendaient le long du mur.  Sur un mot dit à voix basse par le greffier, le procureur du roi jeta un rapide coup d’œil sur un plan étendu sur la table, et, désignant du doigt une croix tracée à l’encre rouge, le magistrat ordonna aux ouvriers :

-       Commencez-là.

Les deux terrassiers attaquèrent le sol entre l’allée qui longeait le mur et deux vieilles souches de pêcher dont les branches, autrefois disposées en espalier, s’étendaient à présent en tous sens faute d’entretien.  Après quelques minutes de travail, l’un des ouvriers sentit tout à coup sa pioche s’enfoncer dans une excavation.  L’homme gros et court, aux lunettes vertes, fit un brusque mouvement, et son camarade eut un éclair dans ses yeux morts.  Le garde municipal et les agents de police resserrèrent un peu plus le demi-cercle qu’ils formaient autour de ces deux hommes.

- Maintenant, avertit le procureur du roi aux deux terrassiers, prenez les précautions les plus grandes.  N’avancez que ligne à ligne, et gardez-vous de rien briser.

Les ouvriers vidèrent à la main le trou qu’ils venaient de faire et dégagèrent une couche de chaux formant une sorte de voûte.  C’était dans celle-ci que la pioche avait pénétré.  Croûtes par croûtes, la voûte de chaux fut enlevée. Cette opération mit à nu une fosse creusée en forme d’entonnoir, d’une profondeur d’un mètre cinquante environ, sur une longueur d’un mètre quinze à la surface.
Au fond de la fosse, les assistants aperçurent alors un squelette, le cou entouré d’une corde.  Les dents et les cheveux étaient parfaitement conservés, un anneau d’or entourait encore une phalange.


-       Il est évident, remarqua le doyen Ofila, que ce cadavre a été recouvert de chaux vive, mais qu’on a oublié de jeter de l’eau.  Aussi, la chaux, au lieu de consumer le corps, comme on s’y attendait sans doute, n’a fait que le conserver.  Les chairs ont disparu, mais le squelette est complet. 

Puis se retournant vers le procureur :
-       Eh bien ! mon cher magistrat, est-ce là votre sujet ?  Que faut-il faire de cette antiquité ?

-       Il faut, messieurs, répondit le procureur en s’adressant au doyen, à Dumoutier et à deux nouveaux venus, les docteurs Marc et Bois de Loury, il faut faire un miracle, recomposer ce corps rongé par le temps et par la chaux, et me dire qui fut ce squelette.  Il faut déterminer si tous les os épars et sans attache appartiennent à un même individu.  Il faut faire plus encore, préciser le sexe, l’âge de celui qui fut inhumé là, dire combien d’années  se sont passées depuis qu’il y repose.
-       Rien de plus facile pour mes collègues, dit l’anatomiste Dumoutier, mais il n’était pas été nécessaire de m’appeler à leur aide pour cela.  Par contre, je peux faire autre  chose : vous dire par exemple, à la seule inspection de cette tête, quelles furent les pensées habituelles, les passions, les vertus et les vices de l’âme qui l’anima.

Aux paroles de l’anatomiste, les médecins présents échangèrent un sourire perplexe.  Dumoutier était l’un des adeptes de cette nouvelle science inventée par Gall.  Selon ce médecin la morphologie du crâne révèlerait certains traits de caractère d’une personne.  Théorie développée plus tard, par son assistant Spurzheim, sous le nom de « phrénologie », pour laquelle ou contre laquelle on commençait alors à se passionner. 

La chaux et la terre qui y adhérait furent déposées dans le grand coffre de sapin.  Les ossements furent soigneusement transportés dans la salle à manger et étendus sur une grande table.  Sous les yeux du magistrat et des deux hommes si étroitement surveillés, les savants se mirent immédiatement à l’étude,.

D’un commun accord, et après un rapide examen, les hommes de science reconnurent à la forme du bassin, à la petitesse des os, à l’exiguïté de la taille, à la forme même de la tête, qu’ils avaient devant eux le squelette d’une femme.  Cette femme devait mesurer un mètre cinquante.  L’état des os du crâne soudés entre eux et quelques vertèbres affaissées annonçaient un âge avancé.  Une nouvelle indication de la vieillesse du sujet : les cheveux longs d’environ de trois centimètres étaient blanc-jaune.  Les dents étaient longues et, pendant la vie, devaient paraître très longues, les gencives ayant été rongées par le tartre.  Les ongles, trouvés intacts, annonçaient que le sujet ne se livrait pas à des tâches éprouvantes.  Enfin, les mains devaient être singulièrement petites.

Une bourgeoise de 70 ans environ, mesurant un mètre cinquante, aux cheveux blanc-jaune et courts, autrefois roux, aux dents longues, aux petites mains : telle était la conclusion des spécialistes.

A chacune de leurs indications, rigoureusement déduites d’une observation scientifique, l’œil du procureur s’animait.  Un archéologue reconstruisant pièce par pièce une momie de pharaon, n’aurait pas éprouvé une joie plus intense que celle qui éclairait, en ce moment, le visage du magistrat.

- Ce n’est pas tout, messieurs, ajouta-t-il encore, que de déterminer l’âge du mort ; c’est l’âge de la mort que je vous demande aussi.
- C’est la question la plus difficile à résoudre, répondit M. Bois de Loury.  Il y a deux ou trois ans, je l’aurais crue impossible à décider. De nos jours, des expériences nouvelles en permettent la solution approximative.

La conclusion des quatre docteurs fut que la mort remontait à dix ou douze ans.  Quant à la cause de la mort, déclarèrent-ils, elle est facile à déterminer, puisque les vertèbres du cou sont encore entourées par six tours de corde.  Cette cause est la strangulation.  Il y a plus, toute idée de suicide est inadmissible ; car les tours de corde ont une direction d’avant en arrière et de haut en bas, ce qui dénonce l’intervention d’une main étrangère.  Enfin, dans la fosse, la tête était plus basse que les membres inférieurs et ces membres avaient été pliés ; donc, le cadavre avait été inhumé peu d’heures après la mort, avant la rigidité cadavérique.

Le magistrat, triomphant, se tourna vers les deux hommes étroitement surveillés.   Il les apostropha :

-       Eh bien ! prévenus Bastien et Robert, vous le voyez : ces messieurs ne savaient pas même en venant ici de quoi il était question, et, au bout de deux heures, ils ont tracé le portrait le plus ressemblant de votre victime.  Ils nous ont fait assister à votre crime.  Au signalement qu’ils me donnent, il ne manque qu’un nom, celui de la veuve Houet.

-       Attendez, dit l’anatomiste, adepte de Gall, ce nom qui pour nous ne signifie rien, je vais vous dire ce qu’il représentait pour ceux qui connurent l’être humain dont voici les os.  La femme dont je tiens en ce moment la tête fut avare, défiante, et tout ensemble craintive et colérique.

Ces détails, donnés par le savant Dumoutier, semblaient faire revivre ce squelette et lui rendre le corps qu’un crime avait fait disparaître.  Un moment, l’illusion fut si grande, que Robert, l’homme sec aux yeux morts, recula, glacé de terreur.  La sueur perlait sur son front ; ses dents claquaient ; ses mains cherchaient un point appui.  Elles rencontrèrent un bras, celui du gros homme aux lunettes vertes, celui de Bastien.  A ce contact, Robert parut s’éveiller, comme un homme qui s’échappe à un affreux cauchemar, et il repoussa le bras de Bastien avec un mouvement de dégoût, d’horreur et de haine.  Puis, faisant un violent effort sur lui-même, il reprit son attitude de morne impassibilité.

-       L’identité est accablante, la preuve est complète, dit le procureur du roi,  messieurs de la faculté, je vous demandais un miracle, vous l’avez fait, merci.

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Le 13 septembre 1821, une femme âgée de soixante-huit ans, la veuve Houet, disparut de son domicile, rue des Mathurins.

La veuve Houet, au moment de sa disparition, possédait environ 6.000 francs de rente ; elle avait eu, pour sa part dans la succession de son frère, le sieur Lebrun, un capital de 43.000 francs.  Elle avait deux enfants ; un fils, à peu près idiot de naissance, et une fille qui, en 1813, avait épousé un certain Robert, marchand de vins et graveur sur cristal.  L’oncle Lebrun avait doté cette fille.

Dès les premiers temps de ce mariage, une forte mésentente régna entre la belle-mère et le gendre.  De nombreuses discussions d’intérêt et d’argent avaient exacerbé l’antipathie que la veuve Houet ressentait pour Robert.  Elle en était arrivée à redouter son gendre à tel point qu’elle avait l’habitude de dire : « Je ne périrai jamais que par ses mains. ».

Le jeudi 13 septembre 1821, vers six heures du matin, Robert se rendit chez sa belle-mère et l’invita à déjeuner le jour même.  « J’irai. » répondit-elle.  Vers sept heures, arriva la femme de ménage, madame Jusson ; la veuve Houet lui reprocha d’être en retard, parut pressée de sortir, et partit, en effet, au bout de quelques minutes.

La veuve Houet était en toilette du matin, les mains sous son châle ; elle marchait vite, paraissait agitée et se parlait à elle-même.  Elle descendit la rue des Mathurins, fut aperçue traversant la rue de la Harpe.  On la perdit de vue à la hauteur de la rue Serpente, un peu plus bas que le n° 58 de la rue de la Harpe.  C’était là qu’habitaient les époux Robert.

Bastien et Robert

A suivre…


mercredi 25 avril 2012

L'assassinat de Guillaume le Taciturne

Guillaume de Nassau, prince d’Orange, premier Stathouder de Hollande et fondateur de la puissante république des Provinces-Unies, était né en 1533 au château de Dillembourg, dans le Nassau.  Fils du comte de Nassau, et de la comtesse de Stolberg, Guillaume fut envoyé comme page à la cour de Charles-Quint.  Ce monarque apprécia  d’emblée la haute intelligence de l’enfant et sa discrétion impénétrable à laquelle il dut plus tard son surnom du Taciturne.  Charles-Quint ne craignait pas de s’entretenir en présence du jeune garçon, des affaires les plus importantes et les plus secrètes de l’empire.  A douze ans, Guillaume hérita de son cousin germain René, prince d’Orange, d’une formidable fortune.  Cet héritage fabuleux lui valut d’être longtemps appelé le Riche.  Surnom toutefois infiniment moins glorieux que le premier.  Puis Charles-Quint abdiqua.  Son successeur et fils, Philippe II, nomma Guillaume gouverneur de la Hollande, de Zélande, d’Utrecht et généralissime de ses troupes.  Philippe II, élevé en Espagne et préférant ce pays, abandonna les dix-sept provinces à sa demi-sœur, Marguerite de Parme et au cardinal Granvelle, son âme damnée. Très vite, un conflit latent entre le roi absent et la noblesse des Pays-Bas s’ouvrit. 

L’époque était à la mutation.  Une crise morale et économique sans précédent s’abattit sur toute l’Europe.  Des Pays-Bas montait un mécontentement capable d’aller jusqu’aux troubles.  Guillaume et un petit groupe d’amis, dont les plus illustres ne tarderont pas à l’abandonner, avaient décidé de mettre en garde Philippe II, contre les risques de cette situation fort menaçante.  Mal leur en prit, le monarque espagnol, borné, influencé par Granvelle, crut à une opposition à sa politique.

Le 31 décembre 1564, exaspéré par l’incompréhension et l’intransigeance du souverain, par l’inaction des gouvernants, Guillaume laissa échapper sa colère dans un discours de sept heures.   

Dans son exhortation, conscient de la valeur de son combat, il décrivit les grands thèmes de son action : Liberté, Tolérance et Bonheur du peuple.  Depuis longtemps, Il portait en lui ces valeurs morales, il les protégeait et entendait les sauvegarder au prix même de sa vie.  Le roi d’Espagne ressentit cette profession de foi comme une véritable déclaration de guerre.

Elle eut donc lieu, elle commença par le duc d’Albe, vite remplacé par d’autres.

Maintenant c’est au tour du fils de Marguerite de Parme, Alexandre Farnèse, de prendre le relais.  Ne pouvant abattre la révolte, malgré la terreur et le sang, écoutant les conseils de Granvelle, le roi d’Espagne a décidé de mettre à prix la tête de Guillaume.  Nul n’ignore qu’il est maintenant  entouré de tels dangers qu’il ne saurait y échapper longtemps.  La promesse du gain multiplie les conspirations.  Pour le moment, les attentats ont échoué.  Ordonez, Got et Hansen ont raté leur cible.  Et puis, un jour, dirigé depuis Tournai par Farnèse, le chemin de Balthasar Gérard croise celui de Guillaume.  

Guillaume

C’est en mai 1584, que ce jeune Franc-Comtois de vingt-sept ans et de petite taille arrive à Delft sous un nom d’emprunt, François Guyon.  Il remet une lettre de sollicitation pour Guillaume.  Un peu plus tard, un proche du prince, Pierre Loyseleur, le reçoit.  Balthazar lui raconte une histoire inventée et préparée à l’avance.  Il a perdu son père victime de son dévouement pour la nouvelle religion.  Dans l’hôtel de Mansfeld, à Luxembourg, il a dérobé à l’un de ses cousins des cachets officiels.  Démasqué par un curé, il a donné un coup de poignard pour se défendre et s’est enfui.  Balthazar veut, dit-il entrer au service de Guillaume.  Le récit préparé par Farnèse semble assez convaincant pour que le Franc-comtois soit engagé au service du Taciturne.  On l’emploiera comme coursier.  Il portera les lettres.  C’est ainsi, de la façon la plus naturelle du monde, aux alentours du 23 juin, que le courrier François Guyon rapporte à Delft, une lettre de la plus haute importance.  Le duc d’Alençon, frère du roi de France Henri III, à qui Guillaume et les Etats avaient proposé la couronne à la place de Philippe, est décédé.  Ce message est d’une telle gravité, que le prince sans attendre son lever, en prend connaissance dans son lit.  Il fait venir le messager pour l’interroger sur les derniers instants du duc.  Occasion privilégiée, pour l’assassin.  Mais l’homme, pris au dépourvu, n’a pas d’armes sur lui, pas même un couteau.  Il se maudit de sa négligence.  L’entretien terminé, il se retire en colère contre lui-même et jure d’être prêt la prochaine fois.

Pendant plusieurs jours, il attendra la dépêche lourde de conséquences que l’on prépare en réponse.  Assidu, un livre pieux sous le bras, il assiste aux prêches.  Pour passer le temps et pour probablement étudier les lieux, il rôde aux abords du cloître Ste-Agathe, devenu le Prinsenhof depuis que Guillaume en a fait sa résidence.  Il se rend familier au personnel de l’hôtel, emprunte une Bible, bavarde avec l’un et l’autre.  L’on est au vif de l’été, les jours sont longs et les portes ne sont pas closes.

Le dimanche 8 juillet, Balthazar Gérard reçoit enfin la dépêche qu’il a charge de porter et, à sa demande, reçoit dix à douze écus.
Le lundi 9 juillet, prévoyant cette fois-ci, il se pourvoit en armes.  Il achète successivement trois pistolets à des soldats et à un sergent de la garde personnelle du prince.  Un courrier ne doit-il pas être armé ? 

Prudent, il essaie ses pistolets. 

Le mardi 10 juillet, Guillaume, accompagné de la princesse Louise, de sa sœur, de trois de ses filles et du bourgmestre de Leeuwarden, descend l’escalier qui conduit à la petite salle à manger privée, au rez-de-chaussée.  Il aperçoit au bas des marches son courrier.  Que veut-il ? Un passeport - chose normale - il en aura un.  La princesse s’inquiète tout de même un peu, fait observer que le personnage n’a pas « bonne mine » et surtout s’est exprimé d’une voix mal assurée.  Louise, prompte à s’alarmer depuis l’assassinat de son père, l’amiral de Coligny, a le pressentiment d’un nouveau malheur.  Cet homme lui fait une impression sinistre.  En passant à table le prince, souriant, rassure sa femme.  Pas apaisée du tout, elle essaie, pendant le repas, de faire partager ses soupçons à son mari.  Peine perdue.

Pendant ce temps, l’homme se promène derrière l’hôtel, près des écuries. 
A l’instant où les convives se lèvent, il est environ deux heures, l’homme se tient derrière un pilier de la galerie à la sortie de la salle.  Ses pistolets au côté gauche, cachés sous le pan d’un manteau jeté sur une épaule.  Sa main droite tient un papier comme s’il s’apprêtait à le faire signer.  Le prince paraît mais ne s’attarde pas.  Il a déjà un pied sur la première marche de l’escalier. 

Tout va très vite, le meurtrier s’avance, sort l’un de ses pistolets et fait feu sur Guillaume. 

La balle traverse la poitrine.  Le prince chancelle.  Son écuyer, Jacques van Malderen, se précipite pour le soutenir, l’aide à s’asseoir sur les marches.  Des lèvres du moribond, s’échappe un murmure : «  Mon Dieu aie pitié de mon âme et de ce pauvre peuple ».  Sa sœur, penchée sur lui, avec angoisse, l’interroge en allemand : « Recommande-t-il son âme à Jésus-Christ ? ».  Il parvient encore à articuler un faible « Ja » et sombre dans le coma.  A peine a-t-on le temps de le porter dans la salle où il vient de prendre son dernier repas, qu’il rend l’âme.


Son assassin arrêté, jugé et condamné à mort pour régicide subira sa peine avec la patience du fanatique.  Sa famille, récompensée par Philippe II, sera anoblie.  Plus tard, un roi de France supprimera ce titre de noblesse infâme. 

  
L'enterrement de Guillaume à Delft

dimanche 15 avril 2012

Delft


Proche de la Haye, capitale des Pays-Bas et située sur la Schie, qui la relie à la mer, Delft possède encore une communauté catholique importante.  Cette ville est l’une des plus ancienne ville du pays et l’une des plus riche en souvenirs historiques. Au onzième siècle, Godefroid le bossu, oncle de Godefroid de Bouillon, entoura la ville de remparts. De cette cité primitive il ne reste rien, en 1536, un incendie n’y laissa debout que cinq maisons.  Un épisode touchant et dramatique se rattache à cet incendie. 


Chacun sait qu’en Hollande, en Allemagne, et même en France jusqu’en Espagne, on vénère les cigognes.  On réserve à ces oiseaux, partout l’hospitalité.  On dispose sur le sommet des toits et des cheminées des bûchettes sur lesquelles les volatiles sont invités à nicher.  La population regarde comme un heureux présage les maisons qu’ils favorisent de leur présence.  Or, à l’époque de l’année où survint ce terrible incendie, les petits des malheureuses cigognes venaient d’éclore.  Ce fut un spectacle attendrissant et terrible à la fois que de voir les malheureuses mères enlever leur couvée dans leur bec, dans leurs pattes, enfin comme elles le pouvaient, voleter quelques temps dans les flammes et la fumée, et finalement, ne pouvant plus continuer leur vol entravé par le précieux fardeau, livrées au désespoir, se laisser tomber dans la fournaise avec leurs petits, plutôt que de s’en séparer. 
La ville ne tarda pas à se relever de ses ruines.  Mais, en 1654, plus de deux cents maisons furent détruite par l’explosion d’une poudrière.    Une explosion analogue à celle de 1654 y éclata encore en 1742, Delft semblait vouée aux calamités.  


La ville était, autrefois, renommée par ses faïenceries.  La plupart de ces fabriques ont cessé aujourd’hui d’exister.   


Dans l’ancienne église dédiée primitivement à Saint-Hypolyte, se trouve le tombeau de l’amiral Tromp, orné d’un bas-relief qui retrace son dernier combat.  Le vétéran de la marine hollandaise qui avait vu trente-deux fois le feu, toujours victorieux, qui en 1652, à la bataille des dunes, avait triomphé de Blake, et s’était emparé de la flotte anglaise et qui après cet exploit, rentrait triomphalement dans sa patrie avec un balai attaché au grand mât de son vaisseau pour annoncer qu’il venait de nettoyer les mers infestées d’Anglais.  Mais, ceux-ci exercèrent de terribles représailles qui eurent lieu entre l’embouchure de la Meuse et Scheveningen, et où Tromp non victorieux mais non vaincu trouva un trépas glorieux. 


Dans la même église se trouve la tombeau de Pieter Hein, un simple pêcheur de Delfshaven qui devin amiral.  Il prit aux Espagnols Salvador de Bahia et les galions qui portaient dans leurs flancs plus de onze millions de florins.  Capturé par les Français, il fut mis à mort près de Dunkerque.  Après sa mort, les Etats Généraux nommèrent une députation pour aller porter à sa mère un respectueux hommage et l’expression des regrets de la patrie.  Cette brave femme, que n’avait jamais enivrée la gloire et l’élévation de son fils, remplie de bonhomie et de l’ignorance d’une paysanne, ne fit d’autre réponse que cette naïve oraison funèbre : « Hélas, mes bons messieurs, je l’avais toujours bien prédit, que mon Pieter mourrait comme un méchant garnement. ».  Non loin de Pieter, repose l’illustre Leeuwenhoek, le père de la science de l’infiniment petit.  Leeuwenhoek était né à Delft. 

Dans la nouvelle église, située à la grand’place, un monument attire tout d’abord l’attention, tant par sa grandeur que par le mort le mort illustre qu’il renferme. Ce monument est celui que les Provinces-Unies élevèrent à la mémoire de Guillaume Ier, assassiné à Delft le 10 juillet 1584.  Le tombeau est construit en marbre blanc et noir sculpté.  La statue du héros, le représente revêtu de son armure, l’épée et le sceptre à la main.  A ses pieds repose un petit chien. Ce chien a une histoire.  Il sauva, un jour, son maître d’une attaque nocturne d’assassins espagnols.  En 1572, pendant le siège de Malines, Guillaume dormait tranquillement dans sa tente.  Silencieusement, à l’abri des ténèbres, les Espagnols s’avançaient.  Ils étaient près à pénétrer dans sa tente, lorsque le chien qui dormait près de son maître, averti par son instinct, bondit sur le lit et aboya de toutes ses forces.  Se trémoussant des pieds et des dents aux draps du lit, il parvint à réveiller Guillaume à temps pour qu’il puisse s’échapper.  Près de Guillaume repose ses deux fils.  La famille royale de Hollande a fait son Saint-Denis à Delft.

A  suivre…

2e partie : Un drame à Delft : l’assassinat de Guillaume d’Orange







lundi 26 mars 2012

Thyl Uilenspiegel

Damme 3e partie



Thyl Uilenspiegel : nom flamand signifiant  « miroir d’hiboux ».  On le donne pour étymologie au mot espiègle.  Dépeint comme un joyeux drille, Thyl est généralement considéré comme l’esprit du peuple méprisé par les grands.

Nul héros de roman, réel ou imaginaire, n’a trouvé autant d’écrivains qui se soient penchés sur ses aventures.  Aucun personnage n’a une renommée aussi étendue, aussi universelle.  Qui  n’a pas lu ou entendu raconter les aventures de Thyl ?  Des journaux, des périodiques ont choisi son nom comme enseigne.  En Allemagne, en Hollande et en Flandre, des établissements portent son nom.  Enfin, peu de livres de ce genre ont eu autant d’éditions, et dans toutes les langues.

Mais ce héros dont les aventures ne reposent que sur des fictions, a-t-il existé ?

De nos jours, on montre encore, en Allemagne, dans le village de Kneitlingen l’endroit où un nommé Tiel Ulenspiegel naquit.  Le personnage, à son époque, était célèbre en Saxe.  Partout l’on se racontait ses entreprises.

Dans ses recherches sur les origines du  nom de Thyl Ulenspiegel, le professeur Hucker de l’université de Bamberg, a découvert dans les archives de l’Etat, une mention de ce nom datant de 1339 : « Thile  van Cletlinge ».
Un autre document datant de 1351 lui apporta  le nom de « Diederick Kneitlingen » nommé plus loin « Tileke de Kneitlingen ».  Il faut savoir qu’en bas-allemand « Tile ou Tileke » était la forme contractée de Dietrich ou Diederick.  Dans un manuscrit de la seconde moitié du 14e siècle, ce même professeur a repéré, deux noms associés « Kneitlingen Dietrich et Dietrich Uetze ».  Or, dans la première édition du livre Ulenspiegel parue en 1510, on trouve un « Thyk de Ützen » comme parrain du héros. 

Continuant son exploration, Hucker, dans les documents de l’ancienne famille des seigneurs de Kneitlingen, a mis au jour l’existence d’une Eulenspiegelhof (sorte de ferme château) dont le propriétaire, homme libre, appartenait à l’aristocratie terrienne de l’endroit.  Un autre document lui apprit  que Thile Cletlinge, en 1339, subit avec sept autres seigneurs, tous voisins du château de Kneitlingen, une condamnation par la justice du Brunswick. 
Hucker découvrit encore que la famille de ce Thile, par misère et pour cause d’opposition au pouvoir, émigra avant 1350 à Magdebourg.

Alors, ce Thyl fut-il un brigand ? 

Au 14e siècle, une crise grave secoua la noblesse en Europe.  Deux choix s’offraient à la petite aristocratie, soit devenir courtisan, fonctionnaire ou bien entrer en conflit avec le prince.  La contestation signifiait à cette époque le brigandage : les célèbres barons-brigands.  Thyl et les seigneurs voisins de Kneitlingen avaient choisi cette « piraterie terrestre ».  Dès lors, la région de Magdebourg devint leur terrain de chasse avec les conséquences que l’on sait.  Le temps passant, cette famille redevint puissante.  Elle acquit de vastes domaines.  A son extinction, en 1739, la famille Kneitlingen possédait entre autre l’archevêché de Magdebourg.  Son membre le plus connu reste encore dans toutes les mémoires d’aujourd’hui dans la figure de Tiel Eulenspiegel.

Une chronique saxonne de 1455, rapporte qu’ « en 1350 mourut à Mölln, Ulenspiegel. ».

Après une vie mouvementé, la dernière étape d’Eulenspiegel fut Mölln.  La misère et la maladie avaient eu raison de son existence.  Comme son triple baptême, son enterrement fut original.  Par maladresse, la corde qui descendait son cercueil lâcha. Le cercueil tomba verticalement dans la tombe.  Comme les fossoyeurs s’essayaient à remettre le cercueil dans la bonne position, c’est-à-dire à l’horizontal, la foule demanda  de le laisser ainsi « Laissez-le reposer ainsi, toute sa vie il fut étrange qu’il le soit aussi dans sa mort ».
On écrivit sur sa tombe : « Disen Stein sol nieman erhaben, Hie stat Ulenspeigel begraben Anno Domini (1350) jar ».  On rapporte encore que sur la pierre tombale de Mölln le buste d’Ulenspiegel y fut gravé, tenant en main un miroir reflétant les faiblesses et les défauts, et un hibou, l’oiseau d’Athéna, symbole de la sagesse.

La tombe a disparu depuis.  

Actuellement, une pierre tombale dite de Ulenspiegel se trouve exposée dans l’église Saint-Nicolas de Mölln.  Une copie se trouve dans le musée Till Eulenspiegel fondé en 1940 à Schöppenstedt.  On y voit le héros coiffé d’un casque en forme de chapeau avec deux plumes

Une autre ville cependant revendique, elle aussi, la sépulture du héros, la ville de Damme, en Flandre.  Elle s’appuie pour cela sur une ancienne pierre tombale où l’on lisait : « sta viator : Thilum Ulenspiegel aspice sedentem… ».  Cela n’est pas impossible.  Selon la tradition, Uilenspiegel aurait parcouru les Pays-Bas.  La plupart des Flamands savent que se trouvait au pied de la tour de l’église de Damme, une pierre tumulaire sur laquelle était sculpté un hibou posé sur un miroir.  Mais la pierre appartenait à Jacob van Maerlant, le grand poète flamand du XIIIe siècle.  La sépulture de Thyl à Damme n’est-elle qu’un quiproquo ?  On peut le penser.

Il est généralement reconnu que les aventures d’Uilenspiegel ont été primitivement écrites en bas allemand ou ancien flamand.  Les deux langues sont de même origine.  Avant le XVIe siècle, il n’y avait presque pas de différence marquée entre les deux langues.  L’original du roman célèbre écrit, vers 1483, fut édité, au XVIe siècle, en latin, en anglais, en italien, en polonais et en français. 
Dans les premiers portraits de Thyl, on le représente tête nue, le visage sans relief.
Vers 1532, apparaît dans une publication populaire, pour la première fois un Thyl présenté comme un bouffon portant le bonnet à clochettes.
Il existe deux anciens portraits de Ulenspiegel, une copie se trouve insérée dans l’ouvrage de Flögel, « Geschichte der Hofnarren » et Luca Van Leyden composa une gravure où l’on prétend qu’est représenté le héros encore enfant.


Dans le premier écrit sur Thyl, nous n’avons pratiquement que des scènes d’enfance et des histoires d’adolescent.  Dans les nombreuses adaptations littéraires du thème Ulenspiegel, celle du Belge, Charles de Coster, au XIXe siècle, a dissout presque complètement le modèle pour en recréer un autre au caractère totalement différent.  Un Thyl devenu le porte-drapeau du progressisme libéral de la toute nouvelle Belgique.

Charles Decoster

Thyl exista vraiment. Ce  personnage devait être assez particulier pour se voir attribuer de nombreuses aventures plus ou moins imaginaires. 
On ne prête qu’aux riches.







mardi 6 mars 2012

Jacob Van Maerlant


Pendant son règne, Charlemagne ne perdit pas de vue la culture de la langue vulgaire, il fit réunir toutes les anciennes poésies. Ses tentatives cependant ne résistèrent pas à la grande tendance littéraire de l’époque. La religion et la civilisation latine poussaient fortement à l’étude du latin. Rapidement, les Lettrés négligèrent les langues nationales et le latin devint bientôt la langue universelle des sciences et de la diplomatie.

Mais vers le XIIIe siècle, temps où les grandes communes du nord prirent une plus large existence, la langue vulgaire repris sa place dans l’administration locale, elle remplaça les écrits rédigés jusque là en latin.

Ce siècle était le siècle de Van Maerlant. Un grand nombre d’ouvrages de lecture, des morceaux de poésie et des romans chevaleresques étaient répandus en langue vulgaire. Cependant les livres sérieux, les hautes questions scientifiques, les dissertations sur les arts et les sciences, l’histoire et la médecine étaient traitées exclusivement en latin.

Devant ce vide, Van Maerlant abandonna le latin comme langue d’écriture.
Il se décida à devenir utile en écrivant dans sa langue, le flamand. Il lutta pour que les connaissances profitables au plus grand nombre soient répandues autant que possible. Il souhaita que les sciences soient débarrassées de la plus grande entrave, celle qui obligeait l’étude d’une langue étrangère ou morte. En flamand, il composa différents grands ouvrages sur les sujets les plus importants. Il publia d’abord une traduction de la Bible ( la Bible rimée ( RymBybel) en 1270), une histoire universelle, une histoire naturelle et un traité sur les fondements du droit public et privé. Ces ouvrages formaient une encyclopédie assez complète pour ce temps.

Dans le genre religieux, d’autres écrits s’ajouteront encore : une vie de St François, les miracles de Notre-Dame…

Quelques œuvres en proses verront aussi le jour sous sa plume.

Le poème le plus curieux et le plus beau dans le genre poétique, est sans conteste, la satyre, dite  Wapen Martin, un dialogue entre Jacques et Martin sur les questions sociales du temps. Les idées les plus libres et les plus élevées sont rendues dans ce texte avec beaucoup de franchise. La versification élégante de ce poème, sa richesse en figures poétiques, sa pureté et sa souplesse dans la diction, suffirait pour placer Van Maerlant au premier rang des poètes de son siècle. Un autre œuvre, l’ode intitulée du Pays d’Outremer est une composition audacieuse. Le poète y fait un appel vigoureux au monde chrétien pour marcher à la conquête et à la délivrance de la Terre-Sainte. Mais surtout, en cette occasion, il ne ménage pas la conduite craintive de quelques chefs de la chrétienté.

Il connaît les défauts de son siècle, il les poursuit et les flétrit de son verbe acerbe et mordant.

Considéré comme l’écrivain le plus grave de son temps, ses écrits en langue vulgaire eurent une influence immense.


L’origine et la carrière primitive de Van Maerlant sont couvertes d’un épais nuage ; le lieu de sa naissance est ignoré. Nous ne connaissons de cette époque de sa vie que quelques indices échappés à sa plume et éparpillés dans ses nombreux écrits. Au commencement de la vie de St François, il dit qu’il est Flamand, ailleurs qu’il est feudataire du duc de Brabant.
Il résida quelques temps à Maerlant, où il composa un poème sur la guerre de Troie. Son miroir historique fut dédié au comte de Hollande, Florent V, et la vie de Saint-François écrite à la prière de ses amis d’Utrecht.
Vers la fin de sa vie, il remplit l’office de greffier de la ville de Damme et y mourut vers l’an 1300. Enterré dans l’église paroissiale, son tombeau fut orné d’une pierre sépulcrale.
Après sa mort, ses livres furent traduits en latin et en français, démontrant ainsi l’importance de son œuvre. Au 18e siècle beaucoup de ses livres étaient encore imprimés.

Pour conserver la mémoire du célèbre greffier et de l’illustre poète, lors de la reconstruction de l’Hôtel-de-ville de Damme au XIVe siècle, on décora les poutres de la grande salle de sculptures en son honneur. L’une représente Van Maerlant, écrivant, assis devant un pupitre ; l’autre, le roi David, poète, pinçant les cordes d’une harpe.

En 1839, la société d’émulation pour l’étude de l’histoire et les antiquités de Flandre Occidentale, entreprit des recherches pour retrouver la tombe de Van Maerlant. Malheureusement sa pierre sépulcrale, vendue, en 1829, à un marbrier, n’existait plus. Cette pierre était de grande dimension. Dans son contour, cette pierre comportait une inscription en lettres gothiques. En haut vers le milieu se trouvait gravé un miroir, qui représentait en fait un pupitre ancien sur lequel on avait dessiné un livre, un hibou, et au dessous les mots Uilenspieghel.

Après avoir acquis la triste certitude de la destruction de la pierre, le comité directeur de la Société d’Emulation résolut de provoquer l’érection d’un nouveau monument à la mémoire du père de tous les poètes flamands.

De vader
Der dietscher dichters allegaders

Dans l’appel que ce comité fit , les mérites de Van Maerlant furent très bien appréciés : « On doit bien se représenter, que ce monument n’est pas seulement un hommage à Van Maerlant comme grand poète, mais comme celui qui a ouvert une route nouvelle à l’intelligence…, et qui peut, à juste titre, être proclamé le père de la littérature…, l’écrivain qui répandit la sagesse et les lumières par ses écrits à une époque où une grande partie de l’Europe était encore plongée dans les ténèbres… »

Troisième partie : Thyl Uilenspiegel

mardi 28 février 2012

Damme



Hôtel de ville

Lorsque au 5e siècle la mer du nord inonda la côte flamande et y creusa une large échancrure, on bâtit au bord celle-ci une petite Cité. On appela Damme et l’échancrure, prit le nom de Zwin.
Ce phénomène naturel se prolongea jusqu’à Bruges. Il eut un effet heureux pour cette ville. Il permit aux bateaux de pénétrer jusqu’à son centre. Et puis le Zwin s’ensabla progressivement. Au 12e siècle, le bras de mer n’arriva plus qu’à Damme, et Bruges ne se trouvait plus reliée que par deux voies navigables au Zwin, la Reye et un canal empruntant le tracé de l’ancien Zwin. Par l’intermédiaire d’une écluse, La Reye et le canal se rencontraient à Damme. La petite cité occupa dès lors une position stratégique dans la vie économique de Bruges. Dès ce moment, Damme connut rapidement une enviable prospérité. En 1180, elle acquit les droits de cité, un peu plus tard elle fut autorisée à rendre la justice et au fil du temps d’autres droits s’ajoutèrent. La population augmenta rapidement et Damme se montra bientôt dangereuse concurrente pour Bruges la commerciale. L’argent remplissait les caisses de la ville. Damme percevait des impôts sur le stockage des harengs, du vin et de la poix. Les grands commerçants ouvrirent des bureaux dans la cité. Puis Damme fut, par un canal, le Lieve, reliée à Gand. 


La ville vécut ses plus belles heures de gloire au cours du dernier quart du 12e siècle et pendant tout le 13e siècle. Sa richesse attira cependant les convoitises et en 1213, la ville fut envahie par les troupes du roi de France, Philippe Auguste. Pillée, elle fut complètement détruite. Mais elle fut tout aussi vite reconstruite. Pourvue cette fois-ci de solides remparts. Malheureusement, la grandeur entraîne souvent la chute. L’ensablement du Zwin continuait sa progression et au 15e siècle, les bateaux ne dépassaient plus la ville de Sluis. Les marchandises y étaient déchargées, puis transportées sur des péniches plates jusqu’à Damme. Sous le règne des Archiducs Albert et Isabelle, la cité devint ville de garnison. Elle entra dans la ligne de défense contre la Hollande. Au 18e siècle, cette dernière utilité lui fut également retirée. Elle entra modestement dans l’histoire.

Plan de la ville de Damme en 1629

Aujourd’hui, Récréative, sportive, festive, gastronomique, culturelle, rurale et naturelle, Damme est devenue un « must » touristique.

Deux personnages célèbres sont associés à cette ville flamande, Jacob van Maerlant et Thyl Uylenspiegel. Tous deux ont leur statue dans la cité.

A suivre …
Deuxième partie : Jacob Van Maerlant

mardi 21 février 2012

Paris 1


Raconter la ville lumière, la capitale du monde, Paris, voilà un sujet bien vaste et dangereux. Des centaines de milliers d’ouvrages de tous lieux et toutes époques lui ont déjà été consacrées. Il ne se passe pas, encore maintenant, des jours, des semaines, voire des mois sans que paraissent, articles, magazines, livres sur le sujet, sans compter les autres médias. Que dire de plus, que raconter encore que l’on ne connaît déjà ? Tout a été dit, semble-t-il. Et pourtant, soyons en convaincu, Paris sera toujours une source d’inspiration pour les poètes, peintres, écrivains, historiens, photographes et cinéastes et d’autres encore. Aussi, vais-je me contenter, à chaque fois que je la visiterai, de quelques lignes pour lui rendre hommage. Elle qui a fait, fait et fera encore et toujours rêver le monde.

Originale origine

Si Rome a été fondée par un fils de Mars et par le nourrisson d’une louve, Romulus, Paris le fut par un prince échappé de Troie, Francus, fils d’Hector, qui, devenu roi de la Gaule après avoir bâti la ville de Troyes en Champagne, vint fonder celle des Parisiens et lui donna le nom du beau Pâris. C’est ainsi qu’un historien fort brillant du temps passé expliquait la naissance de Paris. Cette haute et sérieuse opinion est confirmée par un autre non moins savant qui démontra fort sérieusement que le mot Paris se compose de deux mots : Par ou Bar et Isis «  attendu qu’il a «été trouvé sur le territoire de Paris, une statuette de cette déesse, ce qui prouve que Francus qui veut dire Français, est le fondateur de Paris. » Les mémoires de l’académie des inscriptions fourmillent de preuves toutes aussi authentiques que farfelues.


Il existe cependant d’autres opinions. On pourrait dire que le fondateur de Paris, fut le hasard tout simplement. Il y avait une île au milieu d’une rivière dans un pays sauvage. Figurez-vous une peuplade qui cherche à s’abriter. Elle traverse la rivière et s’installe sur cette bande de sable et de terre, tout de même assez conséquente. Les tentes se montent, ensuite les palissades, on pêche pour subsister, puis comme la terre est fertile, certains la cultive. L’endroit est agréable (déjà), on reste. Dès ce moment-là, Paris commence à exister. On remplace les palissades de bois, par des murs de pierres que l’on va chercher pas très loin. Des maisons au toit de chaume se bâtissent et voilà une bourgade qui vit et palpite. On va la laisser un peu respirer pour la retrouvez avec des règles de vie et gouvernée par de lois. César grand voyageur lui donnera bientôt son acte de naissance. Après lui, les siècles et l’histoire feront d’elle la ville universelle que nous connaissons et aimons tous aujourd’hui et que d’autres, plus tard qui après nous viendront aimeront encore. De nos jours Paris n’est plus une île déserte, elle est à la fois Babylone, Athènes, et Rome. Mais quel que soit sa gloire, elle n’a jamais oublié que ses premiers habitants étaient pêcheurs et pour ses armoiries, elle prendra un bateau.