Imaginons ensemble, une pièce sombre, voûtée, sans décoration, où un grand album en forme de missel relié de velours rouge, à ferrures antiques, repose, solitaire, sur un lutrin éclairé par un unique flambeau.

Rêvons ensemble, que ce grand album soit un recueil d’illustrations. Dessins de villes, d’instantanés de vie, où en regard de chaque illustration, écrit de la main des hommes, des récits vrais et moins vrais. Livre précieux, que l’on Feuillette, avec les yeux émerveillés, d’un enfant d’autrefois devant de belles images.

Au hasard, nous tournerons ses pages. Nous arrêtant seulement devant une illustration, selon ses couleurs, nos envies et au gré du vent.

Si le lecteur, bienveillant ( et nous le savons bienveillant), possède une âme quelque peu d’artiste, il comprendra. Des descentes dans le temps à un endroit, puis des remontées dans d’autres parties de ce temps, en passant par des lignes droites, sans oublier les courbes et les doubles boucles de ce même temps - Pour l’espace, pareil - Voilà ce qui attend notre bienveillant lecteur. Lequel, rien ne l’empêche de donner son très estimable avis. Nous le remercions d’avance et lui souhaitons d’agréables voyages.

lundi 26 mars 2012

Thyl Uilenspiegel

Damme 3e partie



Thyl Uilenspiegel : nom flamand signifiant  « miroir d’hiboux ».  On le donne pour étymologie au mot espiègle.  Dépeint comme un joyeux drille, Thyl est généralement considéré comme l’esprit du peuple méprisé par les grands.

Nul héros de roman, réel ou imaginaire, n’a trouvé autant d’écrivains qui se soient penchés sur ses aventures.  Aucun personnage n’a une renommée aussi étendue, aussi universelle.  Qui  n’a pas lu ou entendu raconter les aventures de Thyl ?  Des journaux, des périodiques ont choisi son nom comme enseigne.  En Allemagne, en Hollande et en Flandre, des établissements portent son nom.  Enfin, peu de livres de ce genre ont eu autant d’éditions, et dans toutes les langues.

Mais ce héros dont les aventures ne reposent que sur des fictions, a-t-il existé ?

De nos jours, on montre encore, en Allemagne, dans le village de Kneitlingen l’endroit où un nommé Tiel Ulenspiegel naquit.  Le personnage, à son époque, était célèbre en Saxe.  Partout l’on se racontait ses entreprises.

Dans ses recherches sur les origines du  nom de Thyl Ulenspiegel, le professeur Hucker de l’université de Bamberg, a découvert dans les archives de l’Etat, une mention de ce nom datant de 1339 : « Thile  van Cletlinge ».
Un autre document datant de 1351 lui apporta  le nom de « Diederick Kneitlingen » nommé plus loin « Tileke de Kneitlingen ».  Il faut savoir qu’en bas-allemand « Tile ou Tileke » était la forme contractée de Dietrich ou Diederick.  Dans un manuscrit de la seconde moitié du 14e siècle, ce même professeur a repéré, deux noms associés « Kneitlingen Dietrich et Dietrich Uetze ».  Or, dans la première édition du livre Ulenspiegel parue en 1510, on trouve un « Thyk de Ützen » comme parrain du héros. 

Continuant son exploration, Hucker, dans les documents de l’ancienne famille des seigneurs de Kneitlingen, a mis au jour l’existence d’une Eulenspiegelhof (sorte de ferme château) dont le propriétaire, homme libre, appartenait à l’aristocratie terrienne de l’endroit.  Un autre document lui apprit  que Thile Cletlinge, en 1339, subit avec sept autres seigneurs, tous voisins du château de Kneitlingen, une condamnation par la justice du Brunswick. 
Hucker découvrit encore que la famille de ce Thile, par misère et pour cause d’opposition au pouvoir, émigra avant 1350 à Magdebourg.

Alors, ce Thyl fut-il un brigand ? 

Au 14e siècle, une crise grave secoua la noblesse en Europe.  Deux choix s’offraient à la petite aristocratie, soit devenir courtisan, fonctionnaire ou bien entrer en conflit avec le prince.  La contestation signifiait à cette époque le brigandage : les célèbres barons-brigands.  Thyl et les seigneurs voisins de Kneitlingen avaient choisi cette « piraterie terrestre ».  Dès lors, la région de Magdebourg devint leur terrain de chasse avec les conséquences que l’on sait.  Le temps passant, cette famille redevint puissante.  Elle acquit de vastes domaines.  A son extinction, en 1739, la famille Kneitlingen possédait entre autre l’archevêché de Magdebourg.  Son membre le plus connu reste encore dans toutes les mémoires d’aujourd’hui dans la figure de Tiel Eulenspiegel.

Une chronique saxonne de 1455, rapporte qu’ « en 1350 mourut à Mölln, Ulenspiegel. ».

Après une vie mouvementé, la dernière étape d’Eulenspiegel fut Mölln.  La misère et la maladie avaient eu raison de son existence.  Comme son triple baptême, son enterrement fut original.  Par maladresse, la corde qui descendait son cercueil lâcha. Le cercueil tomba verticalement dans la tombe.  Comme les fossoyeurs s’essayaient à remettre le cercueil dans la bonne position, c’est-à-dire à l’horizontal, la foule demanda  de le laisser ainsi « Laissez-le reposer ainsi, toute sa vie il fut étrange qu’il le soit aussi dans sa mort ».
On écrivit sur sa tombe : « Disen Stein sol nieman erhaben, Hie stat Ulenspeigel begraben Anno Domini (1350) jar ».  On rapporte encore que sur la pierre tombale de Mölln le buste d’Ulenspiegel y fut gravé, tenant en main un miroir reflétant les faiblesses et les défauts, et un hibou, l’oiseau d’Athéna, symbole de la sagesse.

La tombe a disparu depuis.  

Actuellement, une pierre tombale dite de Ulenspiegel se trouve exposée dans l’église Saint-Nicolas de Mölln.  Une copie se trouve dans le musée Till Eulenspiegel fondé en 1940 à Schöppenstedt.  On y voit le héros coiffé d’un casque en forme de chapeau avec deux plumes

Une autre ville cependant revendique, elle aussi, la sépulture du héros, la ville de Damme, en Flandre.  Elle s’appuie pour cela sur une ancienne pierre tombale où l’on lisait : « sta viator : Thilum Ulenspiegel aspice sedentem… ».  Cela n’est pas impossible.  Selon la tradition, Uilenspiegel aurait parcouru les Pays-Bas.  La plupart des Flamands savent que se trouvait au pied de la tour de l’église de Damme, une pierre tumulaire sur laquelle était sculpté un hibou posé sur un miroir.  Mais la pierre appartenait à Jacob van Maerlant, le grand poète flamand du XIIIe siècle.  La sépulture de Thyl à Damme n’est-elle qu’un quiproquo ?  On peut le penser.

Il est généralement reconnu que les aventures d’Uilenspiegel ont été primitivement écrites en bas allemand ou ancien flamand.  Les deux langues sont de même origine.  Avant le XVIe siècle, il n’y avait presque pas de différence marquée entre les deux langues.  L’original du roman célèbre écrit, vers 1483, fut édité, au XVIe siècle, en latin, en anglais, en italien, en polonais et en français. 
Dans les premiers portraits de Thyl, on le représente tête nue, le visage sans relief.
Vers 1532, apparaît dans une publication populaire, pour la première fois un Thyl présenté comme un bouffon portant le bonnet à clochettes.
Il existe deux anciens portraits de Ulenspiegel, une copie se trouve insérée dans l’ouvrage de Flögel, « Geschichte der Hofnarren » et Luca Van Leyden composa une gravure où l’on prétend qu’est représenté le héros encore enfant.


Dans le premier écrit sur Thyl, nous n’avons pratiquement que des scènes d’enfance et des histoires d’adolescent.  Dans les nombreuses adaptations littéraires du thème Ulenspiegel, celle du Belge, Charles de Coster, au XIXe siècle, a dissout presque complètement le modèle pour en recréer un autre au caractère totalement différent.  Un Thyl devenu le porte-drapeau du progressisme libéral de la toute nouvelle Belgique.

Charles Decoster

Thyl exista vraiment. Ce  personnage devait être assez particulier pour se voir attribuer de nombreuses aventures plus ou moins imaginaires. 
On ne prête qu’aux riches.







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